« Le secteur du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP) constitue l’un des piliers de la croissance économique du continent africain. Dans un contexte marqué par une urbanisation rapide, une démographie dynamique et une nécessité pressante de développer les infrastructures, le BTP apparaît comme un moteur central de l’emploi et de l’investissement.

Routes, autoroutes, ponts, ports, aéroports, logements sociaux, complexes industriels et énergétiques : autant de projets qui mobilisent chaque année des milliers d’entreprises et des millions de travailleurs. Mais si les chantiers se multiplient et les financements affluent, un défi persiste : répondre aux besoins en ressources humaines dans le BTP en Afrique.

En effet, le capital humain est le socle sur lequel repose la réussite des projets de construction et d’infrastructures. 

Or, les ressources humaines du BTP en Afrique se caractérisent par une double réalité. 

D’un côté, une abondance de main-d’œuvre disponible, issue d’une population jeune et en quête d’opportunités professionnelles ; de l’autre, une pénurie de compétences techniques et managériales capables de piloter des projets complexes et de répondre aux standards internationaux. Ce paradoxe crée une situation où les entreprises doivent à la fois gérer un vivier important de travailleurs non qualifiés et se battre pour attirer, former et retenir les profils rares que sont les ingénieurs, chefs de projet, conducteurs de travaux ou techniciens spécialisés. »

 

-1-Une forte croissance démographique 

La croissance démographique du continent, avec plus d’1,4 milliard d’habitants dont 60 % ont moins de 25 ans, offre un potentiel exceptionnel pour alimenter le marché du travail. Toutefois, l’adéquation entre l’offre et la demande de compétences reste insuffisante. Les systèmes de formation, bien que dynamiques, peinent encore à produire suffisamment de talents techniques spécialisés pour répondre à la demande massive du secteur. Cette situation place les directions des ressources humaines du BTP en Afrique face à des défis considérables : anticiper les besoins en main-d’œuvre, structurer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), renforcer la formation continue et accroître l’attractivité d’un secteur perçu comme exigeant.

 

-2- Des besoins de talents de profils diversifiés

Le développement des infrastructures africaines s’accompagne d’une complexification des projets. Les grandes métropoles du continent, de Casablanca à Lagos, d’Abidjan à Nairobi, connaissent une explosion urbaine qui impose la construction de logements modernes, de transports en commun et de réseaux énergétiques fiables.

 Les partenariats publics-privés et les investissements étrangers, notamment chinois, européens et du Moyen-Orient, ont accéléré la cadence des chantiers. Dans ce contexte, les besoins en profils qualifiés sont immenses, et les tensions sur le marché de l’emploi deviennent une réalité pour toutes les entreprises du secteur.

 

-3-Tableau des besoins en ressources humaines dans le secteur du BTP en Afrique

Catégorie de métiers Exemples de postes clés Part estimée des besoins en RH (%) Difficulté de recrutement (1 = faible, 5 = forte) Perspectives d’évolution à 5 ans
Ingénierie et management Ingénieur génie civil, ingénieur structure, chef de projet 20 % 5 Forte demande (+30 %)
Encadrement de chantier Chef de chantier, conducteur de travaux 15 % 4 Forte demande (+25 %)
Métiers techniques spécialisés Maçons, électriciens, plombiers, grutiers, soudeurs 40 % 5 Demande soutenue (+35 %)
Techniciens et maintenance Technicien topographe, technicien sécurité, maintenance engins 15 % 4 Demande en hausse (+20 %)
Profils support et administratifs RH Responsable RH chantier, chargé de recrutement, assistant logistique 10 % 3 Stabilité relative (+12 %)

 

Ce tableau met en évidence la structure des besoins en recrutement dans le BTP africain. 

Les métiers techniques spécialisés représentent près de 40 % des besoins, une proportion qui illustre le poids des métiers manuels et opérationnels dans la réalisation des chantiers. 

Pourtant, ces métiers demeurent les plus difficiles à pourvoir, car ils nécessitent des compétences pratiques de haut niveau, et la formation professionnelle dans de nombreux pays africains reste insuffisamment développée. 

À l’autre extrême, les ingénieurs et cadres de management, qui représentent environ 20 % des besoins, sont particulièrement rares sur le marché africain. 

Leur rôle stratégique dans la conception et la gestion des projets en fait des profils hautement recherchés, mais la concurrence entre entreprises est rude, et beaucoup de talents choisissent de s’expatrier vers l’Europe ou l’Amérique du Nord.

Le continent africain connaît une croissance urbaine parmi les plus rapides du monde : selon les Nations Unies, plus de 50 % de la population africaine vivra en zone urbaine d’ici 2040. Cette urbanisation galopante entraîne une explosion des besoins en logement, en réseaux de transport et en infrastructures de base comme l’eau, l’électricité et les télécommunications. 

Or, la réalisation de ces projets dépend de la disponibilité d’une main-d’œuvre compétente. 

C’est ici que se pose la question centrale : comment répondre efficacement aux besoins RH du BTP en Afrique ?

La réponse repose sur plusieurs leviers. 

 

-4-L’importance de la formation continue et l’attractivité des métiers

Tout d’abord, le développement de la formation professionnelle et technique constitue une priorité. De nombreux pays africains ont compris l’importance de renforcer les filières techniques pour former davantage de maçons, électriciens, soudeurs ou conducteurs d’engins. 

Les centres de formation spécialisés et les écoles d’ingénieurs se multiplient, mais la demande reste largement supérieure à l’offre. 

Les entreprises du BTP doivent donc nouer des partenariats avec les établissements de formation afin de contribuer directement à la préparation de leurs futurs collaborateurs.

Ensuite, la formation continue est un axe incontournable.

 Les technologies de construction évoluent rapidement, avec l’intégration du BIM (Building Information Modeling), l’utilisation de drones pour le suivi de chantier, ou encore l’adoption de matériaux innovants respectueux de l’environnement.

 Les ouvriers comme les ingénieurs doivent se former en permanence pour rester à jour et compétitifs.

 Les DRH africains du secteur du BTP sont donc appelés à mettre en place des dispositifs adaptés de formation interne et externe.

Un autre enjeu majeur concerne l’attractivité des métiers du BTP en Afrique. 

Trop souvent, le secteur souffre d’une image négative, associée à la pénibilité du travail, à l’instabilité des contrats et à un manque de perspectives de carrière. 

Pour attirer les jeunes générations, il est nécessaire de valoriser les opportunités offertes par le secteur : participation à des projets structurants pour le développement des pays, possibilités de mobilité internationale, progression rapide vers des postes à responsabilités, intégration de nouvelles technologies. Le discours doit s’appuyer sur le sens et la valeur sociale des métiers du BTP, car bâtir des infrastructures, c’est participer directement au développement du continent.

 

-5-La fidélisation des talents

La fidélisation des talents constitue également une problématique de taille. Le turnover élevé dans le secteur fragilise les entreprises et alourdit les coûts liés au recrutement et à la formation. En Afrique, cette difficulté est accentuée par l’expatriation des talents les plus qualifiés vers des marchés plus rémunérateurs. 

Les cabinets de recrutement de conseil en recrutement international spécialisés dans le BTP en Afrique tels que Phéniciafrica et Phénicia conseil constatent que les ingénieurs en génie civil, par exemple, sont particulièrement sollicités à l’international. Pour retenir ces profils, les entreprises doivent offrir des conditions attractives : rémunération compétitive, avantages sociaux, plans de carrière clairs et possibilités de développement personnel.

Par ailleurs, la mobilité géographique interne au continent est un phénomène croissant. 

Des pays comme le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Nigéria ou l’Afrique du Sud attirent des travailleurs qualifiés venus d’autres régions africaines, car ils concentrent une grande partie des investissements en infrastructures. 

Cette mobilité crée de nouvelles opportunités mais aussi des défis pour les services RH, qui doivent gérer des problématiques liées à l’intégration culturelle, à la logistique et aux formalités administratives.

 

-6- La digitalisation RH

La digitalisation des ressources humaines s’impose enfin comme un levier incontournable. De plus en plus d’entreprises africaines du BTP adoptent des plateformes RH digitales qui permettent de suivre en temps réel les besoins en main-d’œuvre, d’optimiser la gestion des compétences et de faciliter le recrutement. L’intelligence artificielle est utilisée pour analyser les CV, identifier les talents et anticiper les besoins en compétences. Ces outils modernes renforcent l’efficacité des DRH et contribuent à répondre plus rapidement aux demandes du marché.

En somme, les besoins en ressources humaines dans le BTP en Afrique sont immenses et complexes. Ils se caractérisent par une forte demande de main-d’œuvre opérationnelle, une pénurie de compétences techniques et managériales, et une nécessité permanente de former et fidéliser les talents. Pour relever ces défis, il faut une approche intégrée, qui associe les entreprises, les gouvernements, les établissements de formation et les cabinets de recrutement spécialisés.

 

-7- Un axe stratégique du développement économique

Le BTP en Afrique est plus qu’un secteur d’activité : c’est une véritable colonne vertébrale du développement économique et social du continent. Routes, logements, infrastructures énergétiques et industrielles : tous ces projets sont indispensables pour accompagner la croissance démographique et urbaine. Mais sans un investissement massif dans les ressources humaines, ces ambitions risquent de rester inachevées.

Les chiffres et tendances démontrent clairement que les métiers techniques spécialisés et les ingénieurs du BTP en Afrique seront les plus demandés dans les années à venir, mais également les plus difficiles à recruter. 

La formation professionnelle, l’attractivité des métiers, la digitalisation RH et la fidélisation des talents apparaissent comme des priorités pour construire un secteur durable et performant.

En fin de compte, le défi des ressources humaines dans le BTP africain dépasse la simple question de recrutement. Il s’agit d’un enjeu de souveraineté, de compétitivité et de développement. Les entreprises qui sauront anticiper et répondre à ces besoins disposeront d’un avantage stratégique considérable et contribueront à bâtir, au sens propre comme au figuré, l’avenir du continent africain.